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Y a-t-il une joie dans la vieillesse ? extraits d'un entretien avec Mona Ozouf

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dans - Y a-t-il une joie dans la vieillesse ? extraits d'un entretien avec Mona Ozouf Empty Y a-t-il une joie dans la vieillesse ? extraits d'un entretien avec Mona Ozouf

Message par Admin Mer 12 Jan - 15:52

[size=45]Seniors acteurs des territoires[/size]
dans un société pour tous les âges




Y a-t-il une joie dans la vieillesse ? extraits d'un entretien avec Mona Ozouf

Publié le 11 janvier 2022 par Or gris : seniors acteurs des territoires, dans une société pour tous les âges

[size=16] [size=18]Extrait d'un entretien avec Mona Ozouf par Annick Cojean :[/size]
" Je n'aime que les choses qui durent " 
Y a-t-il une joie dans la vieillesse ?
[/size]
       La tradition médiévale distinguait deux vieillesses : senectus et decrepitasSenectus est encore riche de désirs, de projets, de visions de l’avenir. Decrepitas est assez vide de futur. J’en suis là, et n’y vois aucun avantage. Si ce n’est la faculté de faire un tri impitoyable entre l’accessoire et l’essentiel. Quand on a traversé la pire des choses, c’est-à-dire la séparation d’avec les gens aimés, on éprouve à l’égard du détail une totale indifférence. Cela simplifie les choses et concorde avec ma détestation du conflit. Voilà au moins quelque chose de positif.
La féministe américaine Gloria Steinem prétend que le vieillissement débarrasse des contraintes imposées par le genre et libère du carcan de la féminité…
Je ne ressens aucune libération. Au contraire. Ne plus me ressembler m’énerve. Qui est cette dame dans le miroir ? Je ne la connais pas. Je ne me reconnais pas. Ce n’est pas moi !
A l’intérieur des vieilles gens, disait le poète Claude Roy (1915-1997), il y a un être jeune qui s’agite et demande à sortir…
Encore faut-il pouvoir s’agiter ! Le monde actuel n’est guère propice aux élans et aux espérances politiques. Aucun discours n’ouvre aujourd’hui sur un futur aimable, ou préférable, ou désirable. La période est sombre, l’humeur « La France aux Français », terrifiante, le révisionnisme, affligeant. On est rabattu vers le pire et ce spectacle m’affole.
La longueur de mon parcours – on n’est pas loin du siècle – me permet de faire des comparaisons avec l’espoir de ma jeunesse. La guerre était terminée, il y avait la certitude qu’elle ne reviendrait pas et une sorte de foi en l’avenir qui a totalement disparu de nos jours. Ma déconvenue personnelle coïncide donc avec une période de désillusion générale. Et je m’inquiète de voir les jeunes gens lire de moins en moins.
Une lueur, tout de même ?
Mon arrière-petite-fille de 6 ans à qui j’écris des lettres et qui vient de m’écrire un roman de dix pages : l’histoire d’amour entre l’âne Trotro et la princesse. Je ris en voyant que la romance se termine classiquement par un mariage, comme au temps de mon enfance. L’autre jour, je lui demande des nouvelles de son amoureux opportunément appelé Roméo. Elle me confie qu’elle est un peu mélancolique, car ils ne sont pas cette année dans la même classe. Et puis elle dit : « Si je suis encore amoureuse de Roméo quand je serai grande –merveilleuse anticipation – je ne sais pas si j’oserai le lui dire. » Je la rassure : « Tu n’auras peut-être pas besoin de le lui dire. Peut-être que vous le saurez sans vous le déclarer. Ou bien il te le dira le premier. » Et là, elle murmure : « Tu sais, je crois que, lui aussi, il aura peur. » Cela m’enchante. Elle a déjà compris tant de choses…
Le sursaut du mouvement féministe n’est-il pas de bon augure ?
Si ! Je m’estime extrêmement féministe, et je suis toujours heureuse d’une conquête de droits et de libertés. Mais je m’inquiète du climat de méfiance qui s’installe entre hommes et femmes et d’une culture du soupçon. Il m’est insupportable qu’on imagine dans tout homme un violeur potentiel.
Le mouvement #metoo a agi comme un immense révélateur, et c’est très bien. Mais il nous a entraînés sur des chemins où le droit n’a plus sa place, et où l’injonction à croire d’emblée toutes les femmes bafoue le principe même de la justice. Il y a beaucoup d’outrances, me semble-t-il. Tout discours paisible sur les hommes devient inaudible ou suspect. Or je trouve désolant qu’on accentue ainsi la séparation des sexes, et qu’on perde beaucoup de ce qui fait la saveur et l’intérêt de l’existence.
Estimez-vous qu’il y a une nature féminine ?
Je le pense. Le mot « nature » a beaucoup été vilipendé, et pour de bonnes raisons, car il a servi à asservir les femmes, à les claquemurer près des berceaux et des fourneaux. Leur vocation supposée « naturelle ». Déterminisme absurde.
Cela dit, je crois qu’il n’est pas indifférent de naître fille ou garçon et qu’il existe une « disposition féminine ». Les filles prennent plus vite conscience du temps, de la limite, de la nécessité que les garçons. C’est lié bien sûr à la perspective de l’enfant, désiré ou redouté, mais présent au moins dans l’imaginaire, avec l’idée de contrainte, de responsabilité, de perte de liberté. Le compte des jours fait partie de la vie biologique des femmes et cadence le temps d’une façon que les hommes ignorent. Les femmes s’inscrivent dans la durée. Qui tient le greffe des anniversaires dans la famille ? Qui fabrique les albums de photos ? Qui va voir les vieux parents dans les maisons de retraite ? Qui a ces préoccupations ? Elles ne sont pas dans l’immédiateté, comme les hommes, plus irresponsables. Elles sont dans la conscience du temps. Avec une préoccupation de la solidité du lien.
Quelle est votre conception du bonheur ? Est-ce une quête ? Une chimère ? Un travail ?
C’est en partie un travail. Je suis une adepte – je ne devrais pas dire cela, c’est un peu ridicule – du quiétisme amoureux. C’est-à-dire que je mets au-dessus de tout, dans la vie et dans mes admirations littéraires, les moments où s’établit entre les êtres une confiance absolue. Il y a quelques scènes bouleversantes dans la littérature : par exemple dans Lucien Leuwen, de Stendhal, lorsque Lucien et Mme de Chasteller se retrouvent sans plus avoir besoin d’échanger des paroles. Ou encore, dans Portrait de femme, de Henry James, la scène d’agonie de Ralph, où lui et Isabelle vivent un instant de communion intense. Voilà, c’est ma définition du bonheur. Sans mots. Sans jugement. Si précieux. Est-ce qu’on peut y arriver par acte de volonté ? Sûrement, mais pas complètement. Car il tient aussi du miracle.
L’anthropologue Françoise Héritier (1933-2017) croyait avoir une prédisposition à jouir de l’instant présent et d’y trouver de la joie. L’avez-vous ?
Tout ce que j’aime est lié à la durée. Je n’aime que les choses qui durent. Les amours, les amitiés, les sentiments. Et les maisons qu’on retrouve… Je n’ai pas un esprit d’aventure.
Si vous pouviez parler à la petite fille timide et docile que vous étiez à 10 ans, que lui diriez-vous aujourd’hui qui puisse l’aider ?
Je lui chuchoterai : « N’aie pas peur. » Quand, à l’âge de 4 ans, dans une pièce semi-obscure peuplée de femmes qui sanglotent, on s’entend dire : « Va embrasser ton père » et qu’on sent sous ses lèvres la joue glacée du jeune mort, l’effroi entre brusquement dans votre vie et la peur s’incruste durablement. On n’est plus assuré de rien. On vit dans la crainte de l’évaluation et du jugement des autres. On ne s’en libère jamais. Et c’est encore mon cas. Alors oui, c’est cela que je dirai à la petite Bretonne si soucieuse de bien faire : « N’aie pas peur ! »
Par  Annick Cojean dans le Monde du 5 décembre 2021, extrait d'un entretien avec Mona Ozouf : « Je n’aime que les choses qui durent »
publié dans Le Monde du 5 décembre 2021 
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